ONGULÉS

ONGULÉS
ONGULÉS

À la suite de Linné, on continue de désigner sous le terme d’Ongulés un ensemble de Mammifères Euthériens, pour la plupart végétariens, dont les extrémités sont fréquemment munies de sabots. Ces animaux se distinguent encore, de façon indiscutable, de tous les autres Mammifères par leur structure dentaire, par le squelette des extrémités de leurs membres et enfin par la présence éventuelle de bois ou de cornes.

Cependant, s’il est commode d’utiliser le terme «Ongulés» dans le langage zoologique courant, il ne faut pas se dissimuler que les animaux ainsi désignés forment un ensemble hétérogène: les limites d’un super-ordre des Ongulés sont assez incertaines.

Classification

On classe les formes actuelles en cinq ordres: Perissodactyla (ou Mesaxonia ), Artiodactyla (ou Paraxonia ), Hyracoidea, Proboscidea, Sirenia – auxquels on ajoute parfois celui des Tubulidentata , aux affinités imprécises. Ces cinq ordres comprennent en réalité, exception faite des Artiodactyles, des types hautement spécialisés, souvent en voie de disparition, qui semblent représenter le terme d’une longue évolution, au cours de l’ère tertiaire, jalonnée par de nombreuses espèces fossiles: tels sont les cas des Éléphantidés, des Équidés, des Rhinocérotidés, pour ne citer que les groupes dont l’histoire est la mieux connue. D’autres ordres ne nous sont connus que par leurs représentants fossiles. Certains, qui semblent assez bien annoncer les ordres actuels, ou qui ont évolué parallèlement, sont souvent rassemblés en un super-ordre des Protongulés: les Condylarthra , connus au Paléocène (Amérique du Nord; Europe; probablement Asie, avec le Phenacolophus de Mongolie; enfin Amérique du Sud, avec les Didolodontidés); on trouve d’autre part des formes plus évoluées: Notoungulata ou Notongulés (Amérique du Nord et Mongolie au Paléocène; confinés ensuite, jusqu’au Pléistocène, en Amérique du Sud), Astrapotheria (Paléocène-Miocène) et Liptoterna (Paléocène-Pléistocène), ces deux dernières exclusivement sud-américaines.

On peut encore ranger dans les Ongulés lato sensu divers autres groupes entièrement fossiles: les Xenungulata et les Pyrotheria d’Amérique du Sud, et l’ensemble des formes qualifiées d’Amblypodes par H. F. Osborn, c’est-à-dire les Pantodonta et Dinocerata , dont l’évolution s’est déroulée pour l’essentiel en Mongolie et en Amérique du Nord. Tous ces types étaient relativement spécialisés. Cet extraordinaire buissonnement de lignées évolutives dès le début de l’ère tertiaire constitue un des cas les plus curieux de l’histoire des Mammifères; il explique les difficultés de la systématique en ce domaine.

Caractères généraux des Ongulés actuels

Dents et régime alimentaire

Les Ongulés sont généralement caractérisés par une réduction du nombre des dents antérieures et par une «molarisation» des prémolaires.

La plupart des Ruminants sont dépourvus d’incisives et de canines à la mâchoire supérieure, les Proboscidiens n’ont qu’une incisive définitive par hémi-mâchoire, les Équidés ne présentent de canines que chez les mâles, etc. L’autre fait remarquable concernant ces dents antérieures est la présence assez fréquente d’incisives ou de canines à croissance continue. Ce sont les canines de certains Cervidés et des Suiformes qui sont aussi transformées en défense; par contre, chez les Éléphantidés, les défenses sont constituées par les incisives latérales de la mâchoire supérieure.

Les incisives et les canines sont souvent séparées des prémolaires et des molaires par un espace dépourvu de dents: le diastème.

C’est au niveau des dents mâchelières que l’adaptation au régime herbivore est la plus remarquable. Déjà des formes fossiles, tels les Condylarthres du Paléocène, possédaient des molaires où certains tubercules étaient reliés entre eux par des crêtes d’émail. Tous les ordres actuels d’Ongulés, exception faite des Suiformes adaptés à un régime omnivore, ont la surface triturante des dents jugales ornée de crêtes qui, abrasées, dessinent soit des croissants (type sélénodonte), soit des bourrelets transversaux (types lophodonte et loxodonte). Les formes strictement herbivores compensent par une croissance prolongée de la dent (hypsodontie) l’usure rapide provoquée par la trituration des tiges siliceuses des graminées.

Le faible pouvoir nutritif de l’alimentation végétale oblige l’animal à ingérer des quantités souvent considérables de nourriture. En l’absence d’abajoues, les aliments, ingurgités au pâturage, séjournent dans un estomac volumineux, souvent compartimenté. Mais seuls les Ruminants régurgitent pour la mâcher la nourriture ainsi accumulée: cette meilleure utilisation des aliments est peut-être en relation avec leur relative réussite écologique.

Adaptation à la course et squelette des membres

La protection contre les prédateurs est principalement réalisée par une bonne adaptation à la course qui mettra hors de danger l’animal pourchassé. La réduction du nombre des doigts et le redressement du basipode constituent, sur le plan squelettique, les faits majeurs de cette adaptation.

Certains Ongulés comme l’éléphant ont cinq doigts, d’autres comme le cheval n’en ont qu’un seul et tous les nombres intermédiaires de doigts existent chez les formes actuelles. Au cours du processus évolutif qui aboutit à cette réduction, deux lignées divergentes peuvent être tracées. On a d’abord considéré que le nombre pair ou impair de doigts permettait de séparer ces deux lignées, appelées respectivement Artiodactyles et Périssodactyles. Certains animaux, comme les tapirs et les damans, qui ont trois doigts au membre postérieur et quatre au membre antérieur, ne pouvaient malheureusement pas entrer dans cette classification. Prenant en considération cette difficulté, Marsh a proposé en 1884 un critère beaucoup plus satisfaisant, valable pour tous les Ongulés: la position de l’axe du membre. Chez certains Ongulés désignés aujourd’hui comme Mésaxoniens, cet axe se situe dans le prolongement du doigt III, cependant que chez d’autres, les Paraxoniens, le même axe passe entre les doigts III et IV (cf. figure).

Le relèvement du segment distal (basipode) constitue le fait le plus marquant de l’adaptation à la course. Tous les stades de ce redressement peuvent être observés chez les Ongulés, depuis la position plantigrade des Hyracoïdes (damans) jusqu’à la position onguligrade de la plupart des Artiodactyles et Périssodactyles, en passant par les positions intermédiaires de digiti-plantigradie des Proboscidiens et de digitigradie des Camélidés [cf. MEMBRES].

Le segment proximal (stylopode) du membre postérieur connaît une réduction de taille variable, de telle sorte que l’articulation fémoro-tibiale peut être éloignée du ventre, comme chez les éléphants ou les chameaux, ou au contraire être très rapprochée de l’abdomen, comme chez le cheval ou le bœuf, dont le genou est alors pratiquement dissimulé dans les flancs.

Phanères

Le sabot ou ungula , qui donne son nom au super-ordre, est une phanère très spéciale, constituée par un ongle épais enchâssant l’extrémité distale de la dernière phalange. La présence du sabot n’est d’ailleurs pas tout à fait générale: les éléphants ont de véritables ongles et les damans portent une véritable griffe au deuxième doigt de la main. Cependant on ne retrouve pas, chez les Mammifères autres que les Ongulés, de formations semblables au sabot.

Les bois et les cornes, à la constitution différente et aux formes extrêmement variées, sont des phanères qui, bien qu’on ne les rencontre que chez les Ongulés, ne constituent pas du tout un caractère général.

Origine et évolution des Artiodactyles et des Périssodactyles

Dès le début du Tertiaire, au Paléocène, on peut distinguer deux lignées parmi les Mammifères: la première, avec les Créodontes, conduira aux Carnivores actuels: la seconde, avec les Condylarthres, aboutira à l’ensemble des familles modernes d’herbivores et d’omnivores. La frontière est cependant incertaine et des controverses ont toujours lieu sur la position systématique qu’il convient d’attribuer à tel ou tel Mammifère mésozoïque.

Phenacodus , Condylarthre d’apparition tardive (Paléocène supérieur), contemporain d’Équidés déjà différenciés, est resté assez peu évolué pour fournir une bonne image de ce que devait être le stock originel d’où sont issus les deux grands groupes d’Ongulés actuels que sont les Périssodactyles et les Artiodactyles: Phenacodus était un animal de la dimension d’un tapir, dont les dents mâchelières, pourvues de tubercules reliés par des crêtes, étaient déjà bien adaptées à la mastication des végétaux. Les pattes, antérieures et postérieures, étaient terminées par cinq doigts, chacun muni d’un petit sabot.

Dès l’Éocène, on trouve dans de nombreux gisements, aussi bien américains qu’eurasiatiques, des formes marquant une différenciation simultanée entre Périssodactyles et Artiodactyles.

Mis à part le nombre et la disposition des doigts, il est important de noter qu’un os au basipode du membre postérieur, l’astragale, a une structure nettement différente chez les Périssodactyles et chez les Artiodactyles, et cela dès l’origine des deux lignées. Chez les Périssodactyles, la partie proximale de cet os, en forme de poulie, est embrassée par l’extrémité du tibia, alors que la partie distale inférieure présente une surface plane qui interdit toute souplesse d’articulation entre l’astragale et le pied. Par contre, chez les Artiodactyles, la partie inférieure de l’astragale est arrondie, de telle sorte que des mouvements de rotation peuvent s’accomplir aussi bien entre tibia et astragale qu’entre ce dernier os et le pied. Le premier Périssodactyle connu est Hyracotherium (ou Eohippus des auteurs américains), de l’Éocène inférieur d’Europe et des États-Unis. Ce genre est sûrement à placer au début de la lignée des Équidés et il est très probablement proche des autres Périssodactyles, c’est-à-dire des Rhinocérotidés et des Tapiridés pour ce qui est des familles actuelles, des Titanothères et des Chalicothères pour ce qui concerne les groupes éteints. Il est remarquable que, des cinq familles de Périssodactyles existant au Tertiaire, trois seulement connaissent une descendance dans la période actuelle, descendance à l’avenir précaire d’ailleurs, tant pour les rhinocéros et les tapirs que pour les Équidés sauvages.

Parmi les Périssodactyles [cf. PÉRISSODACTYLES], c’est la lignée des Équidés qui, de loin, est la mieux connue; on sait que l’essentiel de son histoire s’est déroulé en Amérique du Nord, alors que les espèces actuelles de zèbres et de chevaux sauvages ne sont connus que dans l’Ancien Monde. Les Rhinocérotidés, apparus à l’Éocène, ont déjà la surface masticatrice des dents jugales caractéristique de cette famille. Jusqu’à la fin du Tertiaire, on trouve des rhinocéros en Amérique du Nord et en Eurasie. À l’Oligocène, un genre asiatique, Baluchiterium , représente peut-être le plus grand Mammifère terrestre qui ait jamais existé. Il faut attendre le Miocène pour trouver des traces de Rhinocérotidés en Afrique. Les Tapiridés actuels sont restés proches du type ancestral, lui-même très voisin de l’ancêtre des Équidés. Ce sont en quelque sorte des formes reliques, qui ont habité l’Europe et l’Amérique du Nord à l’Oligocène et qui semblent n’avoir jamais pénétré en Afrique.

Au contraire des Périssodactyles, les Artiodactyles sont peu diversifiés au début de l’histoire des Ongulés; leur évolution buissonnante plus tardive semble atteindre son apogée à notre époque. On trouve dès l’Éocène les premiers Artiodactyles et très rapidement un clivage s’établit entre les Suiformes et l’ensemble des Ruminants. Les Suiformes sont les moins évolués des Artiodactyles, tant par leur denture que par leur nombre de doigts. Il faut attendre l’Oligocène pour trouver en Amérique et en Europe l’ancêtre des sangliers et des pécaris. Le Bassin méditerranéen et l’Inde voient apparaître simultanément, à la fin du Miocène, l’ancêtre incontestable des hippopotames actuels. Les Camélidés sont bien connus par les fossiles découverts en Amérique du Nord, et il semble établi que ce soit sur ce continent que s’est déroulée leur histoire, de l’Oligocène inférieur jusqu’au Pliocène, époque à laquelle ils ont émigré en Eurasie et en Amérique du Sud. Tous les Ruminants autres que les Camélidés et les Antilocapridés semblent être d’origine asiatique. L’Éocène d’Asie a livré un genre, Archœomeryx , plus primitif que les Hypertragulidés de l’Oligocène américain et qui paraît proche de l’ensemble des Ruminants de l’Oligocène. C’est au Miocène seulement qu’apparaissent des formes européennes et asiatiques, munies de bois ou de cornes creuses. C’est donc vers cette époque que se situe en Eurasie l’origine des Cervidés et des Bovidés. C’est à cette époque que les Giraffidés font leur apparition et toute leur histoire se déroulera dans l’Ancien Monde.

Les Hyracoïdes, les Proboscidiens et les Siréniens dérivent sans doute d’ancêtres africains dont les restes ont pu être retrouvés dans les gisements égyptiens du Fayoum. Mœritherium , qui est un genre daté de l’Éocène de ces gisements, présente différents caractères qui l’apparentent à la fois aux trois ordres qu’on vient de citer: c’est là un sérieux indice de leur origine commune.

Encyclopédie Universelle. 2012.

Игры ⚽ Нужна курсовая?

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Ongulés — Ungulata Ongulés …   Wikipédia en Français

  • ongulé — ongulé, ée [ ɔ̃gyle ] adj. et n. m. • 1754; du lat. ungula ♦ Se dit des animaux dont les pieds sont terminés par des productions cornées (⇒ ongle, onglon, sabot). ♢ N. m. pl. LES ONGULÉS : ordre de mammifères placentaires comportant les… …   Encyclopédie Universelle

  • Histoire des mammifères — Histoire évolutive des mammifères Reconstitution d un Thrinaxodon, un membre du groupe des cynodontes qui inclut les ancêtres des mammifères. Selon la théorie de l évolution, les mammifères sont issus des synapsides (des reptiles mammaliens)… …   Wikipédia en Français

  • Histoire evolutive des mammiferes — Histoire évolutive des mammifères Reconstitution d un Thrinaxodon, un membre du groupe des cynodontes qui inclut les ancêtres des mammifères. Selon la théorie de l évolution, les mammifères sont issus des synapsides (des reptiles mammaliens)… …   Wikipédia en Français

  • Histoire Évolutive Des Mammifères — Reconstitution d un Thrinaxodon, un membre du groupe des cynodontes qui inclut les ancêtres des mammifères. Selon la théorie de l évolution, les mammifères sont issus des synapsides (des reptiles mammaliens) selon un processus graduel qui a pris… …   Wikipédia en Français

  • Histoire évolutive des mammifères — Reconstitution d un Thrinaxodon, un membre du groupe des cynodontes qui inclut les ancêtres des mammifères. Selon la théorie de l évolution, les mammifères sont issus des synapsides (des reptiles mammaliens) selon un processus graduel qui a pris… …   Wikipédia en Français

  • PÉRISSODACTYLES — Le nombre impair de doigts chez les chevaux, les zèbres, les ânes, les tapirs et les rhinocéros avait déjà conduit Linné en 1754 à rassembler ces Ongulés (Mammifères à sabots) dans un ordre particulier qu’il appelait: Jumentae . Depuis lors, bien …   Encyclopédie Universelle

  • Cetacea — Cétacés Cétacés …   Wikipédia en Français

  • Condylarthra — Condylarthra …   Wikipédia en Français

  • Cétacé — Cetacea Demande de traduction Cetacea → …   Wikipédia en Français

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”